LIBREVILLE, Gabon – Du 14 au 16 mai, neuf pays africains ont pris part à un atelier régional consacré à l’accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), une initiative de l’Union africaine visant à accroître un commerce intra-africain encore largement sous-exploité.
Organisée à Libreville par la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), en collaboration avec le Centre pour l’intégration régionale en Afrique (CRIA) et Phanerosis, et avec l’appui technique du Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine, cette deuxième rencontre régionale visait à favoriser la collaboration entre les marchés francophones et anglophones du continent, en renforçant la capacité des petites et moyennes entreprises (PME) à tirer parti de ce nouvel espace économique commun.
Un marché continental à fort potentiel
À ce jour, 49 pays ont ratifié l’accord, et 24 d’entre eux ont entamé des échanges commerciaux dans des conditions allégées prévues par l’accord. Le commerce intra-africain reste cependant largement en deçà de son potentiel, représentant moins de 20 % des échanges du continent. Une situation paradoxale pour une zone qui rassemble 1,4 milliard de consommateurs et un PIB combiné de 3 400 milliards de dollars.
Depuis la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), de nombreux pays attendent des résultats concrets. Plusieurs États, à l’image du Gabon, s’impatientent face à la lenteur des progrès sur le terrain.
Pour des économies fragiles ou en transition, l’accord est perçu comme une opportunité stratégique pour diversifier leur base économique, créer des emplois pour les jeunes, et booster les exportations non pétrolières.
« Les PME, qui constituent la majeure partie du tissu économique sont confrontées aussi bien aux obstacles ci-dessus mentionnés qu’aux facteurs liés aux capacités même de ces entités. En effet, le niveau limité de formation, la faible adoption des technologies, les difficultés d’accès à l’information et aux marchés et, la culture entrepreneuriale encore embryonnaire les empêchent de tirer profit des opportunités de la ZLECAf », a rappelé Madame Zenaba Gninga Chaning, Ministre de l’Entrepreneuriat, du Commerce et des PME/PMI du Gabon, à l’ouverture de l’atelier.

Elle a également souligné que « la transformation structurelle de notre continent passera par une intégration économique effective et inclusive. Cela nécessite non seulement des réformes institutionnelles et réglementaires, mais aussi et surtout, un changement de culture — une culture de la coopération, de l’ouverture, de la transparence, et de la mutualisation de nos forces. »
Une opportunité pour les économies de la sous-région
Pour le Gabon, hôte de l’événement, l’enjeu est double : tirer profit de cette zone de libre-échange continentale pour réduire sa dépendance aux produits importés de l’Occident, tout en positionnant ses PME sur des chaînes de valeur régionales compétitives.
La présence de délégations du Bénin, Botswana, Comores, Gabon, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Zambie, Zimbabwe a favorisé des échanges sur les mécanismes de facilitation des échanges, notamment à travers des sessions pratiques sur les protocoles commerciaux, des exercices de négociation simulée, et des visites de terrain.
Relier les marchés, former les acteurs
Pour le professeur Lehlohonolo Tlou, directeur exécutif du Centre pour l’intégration régionale en Afrique (CRIA), l’intégration ne se limite pas aux textes.

« Une intégration régionale et continentale durable ne dépendra pas uniquement des accords entre États. Elle prendra appui sur des citoyens africains compétents, notamment des fonctionnaires, des chefs d’entreprise, des femmes et des jeunes dirigeants ainsi que des acteurs de la société civile qui travailleront ensemble au-delà des frontières et des marchés régionaux. »
Une vision que partage Odilia B. Gnassingbe-Essonam, cheffe du commerce à l’ACBF : « Nous ne formons pas simplement des parties prenantes. Nous co-créons un mouvement qui veille à ce qu’aucun pays ni entrepreneur ne soit laissé pour compte dans l’histoire commerciale de l’Afrique. »

Une vitrine pour les solutions locales
Emmanuel M’barga, conseiller régional pour l’Afrique centrale et l’Afrique du Nord au Secrétariat de la ZLECAf, est également intervenu pour saluer l’initiative et rappeler le rôle de la ZLECAf : « La ZLECAf sert en effet à établir des liens entre les différents marchés africains des biens et des services, y compris entre les marchés des pays anglophones et pays francophones. Il s’agit de mettre en relation des importateurs et des exportateurs là où l’offre et la demande vont se rencontrer. »

L’atelier a également mis en avant des exemples de réussite locale, comme l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (AGASA), saluée pour son rôle dans la normalisation des produits destinés à l’export. De telles initiatives sont perçues comme des leviers pour améliorer la compétitivité des produits africains sur les marchés continentaux et internationaux.
Alors que cette zone de libre-échange entre dans une phase critique de mise en œuvre, les participants ont souligné la nécessité d’accélérer l’adoption de politiques commerciales cohérentes, d’harmoniser les procédures douanières et de mobiliser les écosystèmes entrepreneuriaux, en particulier les jeunes porteurs de projets.
« Ce projet de société est en parfaite adéquation avec la vision du président Brice Clotaire Oligui Nguema, qui accorde une place centrale à l’autonomisation des femmes et des jeunes », a affirmé la ministre du Commerce.
