« Notre continent perd chaque année plus de 6,5 milliards de dollars en recettes fiscales non perçues, faute de régimes adaptés à l’économie numérique », a déclaré mardi Mamadou Biteye, secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), à l’ouverture de la première Conférence internationale sur la fiscalité de l’économie numérique en Afrique.
Organisée à Dakar par l’ACBF, en partenariat avec le gouvernement du Sénégal et avec le soutien de la Finlande, la rencontre rassemble pendant deux jours des décideurs politiques, des experts fiscaux et des acteurs du numérique venus d’Afrique et d’ailleurs.
Dans un contexte de recul de l’aide publique au développement et de croissance accélérée des services numériques, les participants plaident pour une refonte des systèmes fiscaux sur le continent, afin de garantir une souveraineté financière pérenne.

Mobiliser les ressources domestiques
Le moment est venu pour les pays africains de prendre pleinement en main leur destin en mobilisant leurs ressources internes, selon Mamadou Biteye. Il a salué les efforts déjà engagés par plusieurs États en matière de réformes fiscales, tout en soulignant que « la mise en place d’un système harmonisé de fiscalité numérique pourrait permettre à l’Afrique de générer jusqu’à 5 milliards de dollars supplémentaires chaque année ».
L’ACBF, a-t-il ajouté, reste mobilisée aux côtés de ses partenaires pour soutenir cette dynamique. Dans cette optique, la fondation prévoit de lancer le programme BETA (Building Excellence in Taxation and Administration), centré notamment sur la fiscalité numérique, la recherche appliquée et la modernisation des administrations fiscales.
Le Sénégal affiche ses ambitions

De son côté, le ministre sénégalais des Finances et du Budget, Cheikh Diba, a rappelé que l’Afrique perd environ 60 milliards de dollars par an à cause de l’absence de digitalisation dans la collecte des impôts et des flux financiers illicites.
Le Sénégal, a-t-il poursuivi, s’est engagé dans une réforme ambitieuse avec un plan d’action comprenant 28 réformes et 69 projets, pour un coût total de 1 361 milliards de francs CFA. Parmi les mesures déjà mises en œuvre figure l’instauration, en 2023, d’une taxe sur les services numériques visant les revenus des grandes plateformes technologiques.
Il a également appelé à structurer la réflexion continentale autour de trois axes : le développement des infrastructures numériques, la formation des ressources humaines, et le renforcement de la coopération internationale, notamment avec l’OCDE et l’ONU..
Soutien de la Finlande et vision continentale

L’ambassadrice de Finlande au Sénégal, Anu Saxen, s’est adressée aux participants en affirmant : « C’est un grand honneur pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui à l’ouverture de cette importante conférence internationale sur la fiscalité de l’économie numérique en Afrique. »
Elle a salué les partenariats engagés à travers le projet de Partenariat Afrique-Finlande sur la fiscalité, et déclaré : « La diversité des perspectives représentées ici aujourd’hui souligne la complexité des défis, mais aussi la force de l’effort collectif. »
Du côté de l’Union africaine, Patrick Olomo, représentant de la Commission, a souligné : « Il est donc temps d’investir dans l’économie numérique, d’investir dans les secteurs clés qui permettraient de développer le potentiel de notre continent en tirant le meilleur parti des ressources domestiques ».
« La Convention cadre des Nations unies sur la réforme fiscale internationale est une étape majeure pour nous permettre de tirer le meilleur parti de la fiscalité de l’économie numérique » , a-t-il déclaré.

Vers une position continentale
Alors que l’Afrique devient un acteur majeur de la transition numérique mondiale, les participants appellent à une action coordonnée pour bâtir une fiscalité adaptée, juste et durable.
Les conclusions de la conférence seront soumises au sous-comité de l’Union africaine sur la fiscalité et les flux financiers illicites, en vue d’élaborer une position commune du continent dans les négociations fiscales internationales.
