GENÈVE – La région Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) élira son nouveau directeur le 18 mai 2025 à Genève, à la suite du décès soudain, en novembre 2024, du directeur régional désigné, le Dr Faustine Ndugulile.
Ce scrutin intervient dans un contexte de tensions accrues sur les systèmes de santé, de baisse des financements internationaux et de recompositions géopolitiques.
Quatre candidats sont en lice : le Dr Dramé Mohammed Lamine (Guinée), le Dr Michel Yao (Côte d’Ivoire), le Pr Mohamed Yakub Janabi (Tanzanie) et le Pr Mijiyawa Moustafa (Togo). Tous justifient de longues carrières dans la santé publique et proposent des orientations différentes pour répondre aux défis actuels de la région.
Un enjeu financier majeur
Lors d’un forum public organisé le 2 avril, le Dr Dramé a tiré la sonnette d’alarme concernant les conséquences du retrait des États-Unis de l’OMS. Il a notamment évoqué l’impact direct de cette décision sur les traitements liés au VIH, à la tuberculose et au paludisme.
« Si rien ne change d’ici là, cinq ou six pays en Afrique ne pourront plus assurer les traitements », a-t-il averti.
S’il est élu, il s’engage à convoquer, dans les cent premiers jours de son mandat, une conférence régionale sur la diplomatie sanitaire. Il propose d’intensifier la production locale de médicaments essentiels et de diversifier les partenariats avec d’autres acteurs qu’avec les bailleurs traditionnels.
« Il faut promouvoir la production locale de médicaments de manière mutualisée », a-t-il insisté. « Pourquoi pas les pays du Golfe ? Pourquoi pas la Chine ? Et pourquoi pas d’autres acteurs ? Et laisser la porte ouverte aux États-Unis, s’ils sont disponibles. »
Des visions divergentes pour une réforme nécessaire
Les autres candidats ont présenté des propositions variées, mais ils sont tous d’accord sur la nécessité d’une réforme en profondeur.
Le Dr Michel Yao, directeur des opérations de santé stratégique à l’OMS, défend un renforcement des soins primaires et une adaptation des politiques régionales aux besoins spécifiques de chaque pays.
« Je rêve d’une communauté africaine en meilleure santé, soutenue par un bureau régional de l’OMS qui réponde efficacement aux besoins des États membres », a-t-il affirmé. « Je souhaite travailler en collaboration avec toutes les parties prenantes, en valorisant les compétences locales. »
Le professeur Mohamed Yakub Janabi, directeur d’un hôpital en Tanzanie, met l’accent sur la responsabilité et l’efficacité dans l’action publique.
« L’Afrique, là où elle se trouve aujourd’hui, mérite un leader qui a non seulement une vision, mais aussi la capacité de produire des résultats de manière efficace et transparente », a-t-il déclaré. « J’ai vu des gens privés de soins, non pas par manque de volonté, mais parce qu’ils devaient consacrer la totalité de leur revenu au paiement des frais. »
Le professeur Mijiyawa Moustafa, ancien ministre togolais de la Santé, propose pour sa part des réformes structurelles visant à rendre les systèmes de santé plus résilients et plus efficients.
« J’ai l’ambition de faire de notre continent un espace où l’accès à la santé est rendu possible par un système efficace et résilient », a-t-il exposé. Il souhaite également aligner les programmes de l’OMS sur les priorités nationales et poursuivre les objectifs de développement durable.
Une élection à fort enjeu stratégique
Tous les candidats mettent en avant des priorités partagées, à savoir l’accès universel aux soins, le renforcement des systèmes de santé et la capacité à faire face aux urgences sanitaires. Toutefois, leurs approches diffèrent.
Faut-il concentrer les efforts sur la diplomatie sanitaire ou sur les mécanismes de prestation des soins ? La production locale de médicaments peut-elle répondre rapidement aux besoins ou s’agit-il d’un pari risqué dans une période critique ?
Le futur directeur disposera-t-il des marges de manœuvre nécessaires pour coordonner les parties prenantes tout en affirmant une position indépendante dans un environnement géopolitique en constante évolution ?
L’élection du 18 mai permettra de désigner un nouveau visage à la tête de la région, mais elle constituera aussi un test de la capacité de l’OMS à relever les défis immédiats et à dessiner les contours d’une réforme durable en Afrique.